Tout-inclus
- Vtunes
- 23 févr. 2018
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 10 nov. 2018
Si tout est inclus, pourquoi ai-je l'impression après seulement quelques jours qu'il me manque quelque chose? Ce sentiment m'habite tout à la fois que celui que l'on m'a offert sur un plateau d'argent un scénario de roman policier digne d'un Simenon, ce que je ne croyais pas inclus au départ.
Qu'est-ce qui amène la mère et sa fille ici? Et le petit couple dépareillé, c'est quoi leur histoire? L'enfant abandonné près de la fontaine l'autre soir, ça rimait à quoi au juste? Ces joueurs de tennis qui se pointent à notre horaire habituel, ils n'étaient pourtant pas là hier? La voiture devant nous qui a poursuivi sa route vers Playa del Carmen, pourquoi? Et surtout, pourquoi personne ne soulève sa chaise au restaurant pour éviter le bruit grinçant qu'elles font inévitablement au contact du sol?
Tout-inclus. Cette promesse alléchante et improbable est la source de mon désarroi à chaque fois que je fais face à une situation où il y a en fait quelque chose de non-inclus.
Je suis la première manifestation de non-inclusion. Je ne me sens pas appartenir à tout ça. Vous voyez le type là-bas, perdu dans ses pensées? Il n'est pas inclus. C'est un marginal.
Ce restaurant, il est inclus? Non, il est exclusif à eux... Quoi, il y a des classes sociales ici aussi? Oui, ça s'appelle des forfaits.
Je serai là envers et contre tout, du vendredi au vendredi inclusivement. Je vais me fondre dans le décor, observer attentivement, et revenir avec un roman policier en poche. Cette foisonnante galerie de personnages sera l'étoffe non pas de mes rêves, mais de mes fictions les plus folles. J'écrirai les chroniques de Quintana Roo, les yeux fermés.
Aucun regret. Je suis fier d'être enfin devenu nord-américain. D'avoir appris qu'ici, on loue une voiture avec le réservoir vide et qu'on la retourne dans le même état, que la trajectoire du pélican est imprévisible, que l'iguane peut être nerveuse et impassible selon son humeur, que la plie peut se confondre, ou presque, avec le fond marin...
J'ai appris tant de choses et cette insatiable soif d'apprendre est ce qui nous différencie de nos confrères animaux, au bout du compte. Je reconnais néanmoins que ces derniers sont pour la plupart de formidables autodidactes.
Bientôt, je n'aurai plus de bracelet, et j'aurai l'impression d'avoir recouvré un peu de ma dignité, comme le malade qui franchit enfin les portes de l'hôpital après un séjour prolongé dans le système de santé.
Je serai néanmoins allé un peu plus loin que ce qui était inclus, en repoussant les frontières de mon forfait, avec une volonté sincère d'en savoir un peu plus sur les Mayas et les Toltèques, jusque dans l'obscurité la plus complète des cénotes, en passant par la chaude lumière du soleil, cet astre qui constitue, j'en ai la preuve maintenant, un de nos vingt-neuf dieux, dont je me suis senti très proche rendu au sommet de la grande pyramide Nohoc Mul à Coba.

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