L’autre festival
- Vtunes
- 27 août 2023
- 3 min de lecture
"Pourquoi organisez-vous un festival dans le bois, Monsieur Watson, alors qu'il y a plein d'endroits à Montréal ?" Une question similaire était venue de René Homier-Roy en après-midi, lors de l'émission Culture Club.
Cette fois, elle sortait de la bouche d'un festivalier local, qui avait remarqué que depuis l'été 2021, un niveau de "bruit" anormal provenait de Lost River certains soirs.
Et Watson de rétorquer "Mais regardez autour de vous, la beauté du site. N'est-ce pas merveilleux?" Ou quelque chose du genre.
La question se pose, bien sûr. Elle est d'ailleurs sur plusieurs lèvres en ce moment. Pour les quelque 300 chanceux qui assistent à l'événement chaque soir pendant la durée du festival, la réponse vient assez rapidement.
Site enchanteur surplombé de superbes mélèzes, ambiance décontractée et familiale. On est presque à une fête foraine, version minimaliste. Événement visant le zéro déchet, ou presque, il ne manque qu'un autobus électrique pour faire la navette entre le stationnement et la première scène pour y arriver.
Bibi Club part le bal sur la petite terrasse avec une courte prestation, mêlant guitare légèrement distordue, clavier et paroles thématiques évoquant le quotidien près de la rivière. Parle-t-on de Lost River ici? Nul ne le sait. Les enfants battent le rythme, parfois un peu trop au goût du duo, mais le tout se termine sans incident.
Ensuite, place à Klö Pelgag, pour une prestation sublime sur la scène secondaire entourée d'herbes hautes et de fleurs. Elle est présentée chaleureusement par Patrick Watson, qui admet que c'est la première fois qu'il parvient à prononcer son nom correctement. Éclats de rire dans le public.
L'aisance de l'artiste est manifeste. Elle amadoue rapidement la foule avec une voix envoûtante empreinte d'émotion, une virtuosité au piano et un bagout déjanté, à la limite de l'absurde, entre ses chansons.
Elle réchauffe la salle en présentant tout sauf du réchauffé et s'amuse vers la fin à nous faire languir un peu, dans l'attente de Patrick Watson. "Vous voulez votre Patrick, n'est-ce pas?" Oui, c'est vrai qu'on a hâte, mais on en prendrait plus.
Pour ça, il faudra attendre plus d'une heure, après le spectacle de Watson. C'est le moment d'emprunter les sentiers menant vers la scène principale, en plein cœur du bois, au son de la harpe.
Dans la pénombre et sur un sol légèrement pentu, notre pas est incertain et on a l'impression que l'on pourrait perdre pied à tout moment. Mais au bout du compte, c'est bien la tête que l'on perdra, bercés par les mélodies géniales de Watson et le jeu exceptionnel de ses musiciens faisant office tour à tour d'orchestre de chambre (le mot est mal choisi) et symphonique.
Dès son arrivée sur scène, il amadoue un bambin en pleurs en l'exhortant à se remettre illico de ce qui ne peut être qu'une peine d'amour. "You'll get over it!". Et la magie opère instantanément. Place à la musique!
Chaque pièce est interprétée avec brio et originalité comme lui seul sait le faire. De temps à autre, son rire caractéristique retentit dans la forêt après une blague bien placée ou une anecdote improvisée.
Musicalement, tout est différent et meilleur qu'en studio, grâce à une préparation maniaque et un talent rarement égalé dans l'histoire musicale contemporaine. C'est sûrement arrangé avec le gars des sons!
Soucieux de notre plaisir, Watson s'amuse avec la foule, l'enjoignant à un peu plus de folie. On est dans le bois, après tout. Assis sur des bottes de foin, les spectateurs réagissent favorablement à son incursion dans le public. Avec son mégaphone, il entonne "je te ramasserai", allusion à peine voilée à l'événement zéro déchet qui se déroule sous nos yeux.
Alternant de manière magistrale les grands succès comme Big Bird in a Small Cage, Here Comes the River, Lighthouse et Look at You, on voudrait pleurer de joie. À chaque phrase musicale, il nous propulse dans une extase indescriptible, probablement similaire à ce que procure le yoga, comme il se plaît à nous le raconter avec humour.
Est-ce le contact avec la nature, la majesté des mélèzes ou le simple brio de Watson qui explique le succès retentissant de ce festival? J'ai du mal à le dire. Chose certaine, pour tous ceux qui y sont déjà allés, l'idée ne leur viendrait jamais à l'esprit de se demander pourquoi le tout se déroule dans le bois, même pas René Homier-Roy.

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