Les végans de la plaine

Je suis de retour dans un aéroport en pleine nuit. C’est dur à croire seulement quelques heures après avoir vu les derniers troupeaux de bisons d’Amérique dans la plaine d’Antelope Island. Un spectacle saisissant.

À Salt Lake City, j’ai constaté les grands contrastes sociaux propres à plusieurs villes américaines. Entre ma maison de location et le centre-ville, le long de la rivière Jordan, plusieurs sans-abri campent à côté des détritus. La Bourse a été bonne cette semaine. Aucun d’entre eux n’a d’argent dans le lithium je suppose.

À la boutique de souvenirs, un t-shirt qui ferait scandale partout sauf ici: « All wives matter ». Cette polygamie rampante m’est aussi saugrenue que la démesure du temple mormon que je viens de croiser. C’était écrit d’entrer et que j’étais le bienvenu. Je ne suis pas entré.

En revenant du centre-ville l’autre nuit, un sans-abri s’est approché de moi pour demander une couverture. Vous traînez des couvertures vous lors de vos conférences d’affaires aux États-Unis? Vous devriez. Les nuits peuvent être fraîches à Salt Lake City au mois de mai.

Je n’avais jamais rien vu d’aussi beau qu’Antelope Island, même pas à la baie de Hà Long, pourtant un joyau du nord Vietnam. 

Un mélange de prairies et de maquis, des tons de vert et de brun, les montagnes verdoyantes, les sommets enneigés, puis ce grand lac salé dans lequel j’ai trempé les pieds après un jogging qui m’a paru interminable tellement j’avais hâte d’arriver à destination.

Quand on avance sur le sable, on vit une gamme de sensations inusitées provoquées par le sel, de la douceur un peu rugueuse, jusqu’à un sentiment de marcher sur le roc. 

Les pieds s’y portent bien. L’âme est en paix. Des traces de bisons… Eux aussi, ils aiment ça. C’est la dernière frontière. La vie commence et s’arrête ici.

Quand les bisons traversent la route, ils doivent faire attention aux automobilistes. Quel désagrément ça doit être pour eux. Mes frères végans, je vous salue.

Est-ce vraiment en mangeant des herbes et des plantes que vous maintenez votre énergie et votre robustesse proverbiales?

Tout compte fait, je ne sais rien de vous. Sauf que vous êtes les derniers bisons d’Amérique, et que je n’ai pas d’affaire ici.